En République Démocratique du Congo, le budget de l’Etat continue l’expression privilégiée de la politique d’un gouvernement et un élément déterminant de l’activité économique du pays et de la politique de redistribution des revenus. Le Gouvernement tient, pour la seconde fois, à déposer le projet de loi des finances 2024 au Parlement le 15 septembre, date de l’ouverture de la session parlementaire, essentiellement budgétaire.
Au terme d’un Conseil des ministres tenu le 25 Août dernier, le Gouvernement a adopté les prévisions de l'exercice 2024, en recettes et en dépenses, à hauteur de 40.464 milliards de CDF, soit 16,0 milliards $ au taux budgétaire de 2.518,33 CDF le dollar américain contre le Budget de l’exercice 2023 de 32.457 milliards de CDF (16,0 milliards $).
Si le Gouvernement se félicite de l’accroissement des recettes à hauteur de 24,7%, il observe clairement une perte de 18% des revenus en 2023. D’abord, le franc congolais s’est fortement déprécié par rapport aux prévisions initiales. De janvier à août, on note une dépréciation de 4,3%. Ainsi, le budget 2023 initialement promulgué en décembre 2022 de 16,0 milliards $ est estimé à ces jours à 13,1 milliards $, en régression de 3 milliards $.
Par ailleurs, l'inflation s’est accélérée davantage. Selon la Banque centrale du Congo, elle situe à 17,2% au mois d’août, alors que le PLF 2024 statue sur 10% à partir de janvier. Cette situation a fortement impacté l’exécution de la loi de finances 2023. Les crédits budgétaires de l’Etat sont votés en valeur. Avec l’inflation plus forte que prévu, le prix de certains achats ont augmenté et les dépenses publiques ont connu un coup dur.
Un budget déconnecté de la réalité
La loi des finances de l’année x+n est élaborée en tenant compte de l’exécution de la loi des finances à fin Juin et des statistiques de trois dernières années. Le Plan de trésorerie de la loi des finances 2023 projette les réalisations fin décembre à 12,4 millions $. Fin juillet, le gouvernement a mobilisé 6,2 milliards $ au taux budgétaire de 2021 FC/1 USD. Pourtant, les régies financières devraient mobiliser 8,7 milliards $ à la même date. Comparés aux recettes réalisées au 28 juillet, il se dégage une contreperformance de 2,6 milliards $. Comme à l’époque de la République du Zaïre, des écarts énormes sont constatés entre les prévisions et les réalisations, le déficit budgétaire se creuse, le circuit exceptionnel d’engagement reste prépondérant, faible exécution des dépenses en capital et l’absence d’un collectif budgétaire.
Le cadre budgétaire à moyen terme (CBMT 2024-2026), adopté au niveau des commissions techniques, fixe la tranche budgétaire exercice 2024 à hauteur de 14,1 millions $, avec une prévision des emprunts autour de 1,2 milliard $. Les aménagements effectués au niveau de la commission gouvernementale pour ramener le PLF 2024 à 16,0 milliards, nous paraissent illusoires. Même si sur le papier, les recettes ont évolué, mais les réalisations posent un sérieux problème.
Au cours de la période 2020-2022, les opérations budgétaires ont été soldées globalement par des déficits. De 537 millions $ en 2020, le déficit a chuté à 125 millions en 2021, avant de monter à 1,7 milliards de FC en 2022.
Selon le Gouvernement, ce solde déficitaire a été financé principalement par les emprunts projets et programmes et par les droits de tirage spéciaux du FMI. Pour certains économistes, le déficit budgétaire peut jouer différents rôles. Keynes affirme qu’il peut stimuler la croissance et l'emploi dans une économie en récession. Ce qui n’est pas en RDC. Dans son rapport de contrôle d’exécution de la Loi des finances 2021, la Cour des Comptes révèle que les déficits budgétaires enregistrés en RDC sont la conséquence des mauvaises pratiques budgétaires. L’exécution de la loi des finances n’a aucun impact sur le développement du pays et s’écarte des priorités arrêtées par le Gouvernement.
Une dette publique qui augmente
Au 31 décembre 2022, la dette de l’Administration centrale de la RDC se situe à 17,56% du PIB. Comparativement à 14,91% de 2021, il s’observe une hausse de 2,65%. En nominal, l’encours de la dette publique à la même date se chiffre à 10,41 milliards USD dont 4,76 milliards USD de dette intérieure et 5,65 milliards USD de dette extérieure, soit respectivement 45,72% et 54,28% du stock total. Par rapport à l’encours de 7,39 milliards USD à fin 2021, il s’observe une augmentation de 3,01 milliards USD.
Cette hausse de la dette publique peut se justifier par la volonté du gouvernement à amorcer la croissance économique et le développement. La corruption, le recours fréquent à la procédure d'exception, l’absence de clarté des chiffres dans la réalisation de certains projets financés par les partenaires au développement constituent un frein à cet élan. Sur le fait, l’impact de la dette publique sur les communautés reste à démontrer.
Cet endettement élevé pourrait freiner les investissements privés, accroître la pression budgétaire, réduire de plus en plus les dépenses sociales et limiter les capacités du gouvernement à mettre en œuvre des réformes.
La loi relative aux finances publiques, qui a apporté des exigences nouvelles aux pratiques budgétaires en République démocratique du Congo, doit être appliquée à la lettre. Il s’agit d’une part du principe de sincérité budgétaire qui participe à la créativité et à la soutenabilité de la dépense publique, et d’autre part, de la lisibilité et à la transparence budgétaire. La gouvernance actuelle devrait se débarrasser de la culture héritée de la deuxième république pour répondre aux priorités de la population.
Valery MADIANGA
Chercheur en finances publiques & développement local